Fanfiction StarCraft: Ghost

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Conspiration Eden

Par [Mastermind]

Ouverture

Acte I, Scène 1

Acte I, Scène 2

Dans l'obscurité ambiante, seule la faible luminosité issue de l'holo-écran cubique permettait de distinguer les silhouettes assises dans la salle. Le vaste bureau ovale qui encerclait le projecteur permettait d'accueillir normalement jusqu'à quarante personnes, mais aujourd'hui, seule la moitié des places étaient occupées. L'écran central montrait une suite de rapports de données abscons qui auraient rebuté n'importe qui, mais les personnes présentes semblaient se concentrer dessus avec la plus extrême attention.

Des graphiques défilèrent pour céder ensuite la place à des tableaux chiffrés, puis au bout d'une demi-heure, la projection prit fin. Les lampes murales se rallumèrent alors que le projecteur s'éteignant, créant une ambiance tamisée dans la pièce. Quelques participants à la réunion se frottèrent les yeux pendant que d'autres se resservaient un café serré.

"- Bien mesdames et messieurs. Comme vous venez de le voir, nous sommes maintenant arrivés à notre dernière opportunité de rebrousser chemin. S'il y en a parmi vous qui veulent retirer leur mise, qu'ils se désignent immédiatement. Après, il sera trop tard."

Le silence retomba comme une chape de plomb sur l'assemblée après cette déclaration. Après ce qu'ils venaient de voir, ils avaient tous besoin de réfléchir. La situation s'éternisa ainsi pendant quelques minutes après quoi quelqu'un reprit la parole:

"- Je dois reconnaître que ce projet est alléchant, mais vous le savez aussi bien que moi: plus la rentabilité est élevée, plus grand est le risque. Quelles garanties avez-vous que nous n'allons pas nous engager dans une ornière ?

- Précisez votre question monsieur Orpse. Je sais que vous ne parlez jamais sans avoir une idée précise derrière la tête.

- Et bien, pour le dire franchement: quelle confiance pouvons nous placer en Eve ?"

Charles Orpse se tut et regarda droit dans les yeux son vis-à-vis, bien décidé à attendre une réponse satisfaisante. Le duel de volonté dura pendant quelques secondes, puis la réponse vint:

"- Il est bien évident qu'il s'agit d'un marché de dupes monsieur Orpse. Eve nous trahira à la première occasion, dès que nous ne lui serons plus utile. Mais nous nous y serons préparés, et nous saurons prévenir cet incident.

- Vous rigolez j'espère, avez-vous vraiment conscience de qui vous parlez ainsi ?

- Oui.

- Tout simplement ?

- Tout simplement."

Le silence vint à nouveau réclamer le droit de présider cette séance, et les participants se remirent à s'observer d'un oeil méfiant. Mais Charles Orpse n'entendait pas en rester là.

"- Et que faites-vous de l'Empire Terran ? Vous croyez réellement que leur police secrète nous laissera procéder ainsi sans réagir ?

- Soyons réalistes: Arcturus Mengsk a des sujets de préoccupations bien plus importants à traiter. Je me permets également de vous rappeler que son regain actuel de puissance n'est pas totalement étranger aux services que nous lui avons rendu. Il saura donc détourner le regard de nos activités.

- Et Shakuras ?

- Les Protoss sont complètement hors-jeu. Ils ne peuvent nous inquiéter."

Durant la conversation, les deux interlocuteurs s'étaient levés de leur place et se dévisageaient de façon hostile. La tension avait monté d'un cran chacun commençait à en ressentir les effets. Finalement, Orpse prit sa décision.

"- J'en suis vraiment désolé, mais je ne peux me risquer dans cette aventure. Trop risqué pour moi. Je vous laisse donc tenter votre chance. Mesdames, messieurs."

Rassemblant ses affaires, il entreprit de quitter le bureau. Lorsqu'il fut parti, son interlocuteur appuya sur un bouton et se rassit, un étrange rictus aux lèvres. Une détonation dans le couloir fit comprendre aux autres participants que C.Orpse venait de passer de vie à trépas.

Deux heures plus tard, la salle s'était vidée, chacun étant reparti après avoir signifié son accord pour le Projet Eden. Il ne restait que l'adversaire de Charles Orpse qui remplissait quelques papiers en affichant un sourire satisfait. Un autre homme à la démarche athlétique vint le rejoindre.

"- Ah monsieur Cleaner, vous-êtes vous occupé du corps ?

- Oui monsieur, sa disparition passera inaperçue.

- Bien. J'ai une autre mission pour vous.

- Monsieur ?

- Vous allez participer au Projet Eden monsieur Cleaner. Vous allez le superviser et le mener à son terme.

- Le Projet Eden monsieur ?

- Laissez-moi vous raconter une histoire monsieur Cleaner. Comme chacun le sait, Dieu a toujours manifesté une curiosité certaine et un esprit aventureux qui l'a mené à réaliser de nombreuses expériences. Réfugié dans son Eden, il se sentait bien seul, quand il décida alors de créer Eve à son image. Ce que beaucoup de personnes ignorent à notre époque, monsieur Cleaner, c'est qu'Eve ne fut pas la première création de ce type... "
« J'ai eu cette vision : un vent de tempête, qui venait du nord, un gros nuage, irradié par une succession d'éclairs, et, au milieu, comme un scintillement de vermeil. Au centre, on aurait dit quatre Vivants qui ressemblaient à des hommes. Ils avaient chacun quatre faces et quatre ailes. »

-Livre d'Ezekiel, Chapitre 1, Verset 4-

Il marchait d'un pas à la fois résigné et déterminé. Déterminé à défier quiconque de lui reprocher ses actes passés. Résigné à affronter les regards du Conclave. Le couloir s'étirait devant lui à l'infini, son architecture inspirée des Cités d'Aiur contrastant violemment avec la froideur de la planète, son obscurité ambiante, sa violente inhospitalité. Les puissants vents psioniques créaient des courants d'air à travers les larges ouvertures aux murs.

Cela faisait près de trois années qu'il n'avait remis les pieds sur Shakuras. Il se sentait désormais comme un égaré sur une terre étrangère : isolé, perdu, rejeté. Il croyait comprendre ce qu'avait dû éprouver Tassadar lors de son bannissement. Chaque jour la sensation de culpabilité, d'échec, de honte revenait l'assaillir. Chaque jour il se répétait qu'il avait agi selon son devoir, qu'il n'avait pas eu le choix, que sa conscience était restée pure. Mais chaque jour, l'amertume le gagnait un peu plus, ses remords le déchirait et sa haine enflait.

La haine.

Quel sentiment étrange : brûlant et glacé tout à la fois. Elle le dévorait sans aucun doute possible.

Puis il y avait eu la découverte, l'abomination, l'innommable. Il était seul à savoir, seul à connaître la présence croissante d'un mal redoutable, plus dangereux encore que tous les ennemis qu'il eut combattu dans sa vie. Mais il ne pouvait se résoudre à en parler, il ne le voulait pas. La vision de cette créature hantait ses cauchemars, nourrissant son désespoir, renforçant sa haine.

Trois années avaient passé, et il était certain qu'il n'ait plus toute sa raison. Et maintenant, le Conclave le rappelait. Perdu tout au long de ses pensées, il ne se vit pas réellement arriver au bout du couloir. Le bruit des lourdes portes s'ouvrant le ramena à la réalité, et il put ressentir l'empreinte psy d'une présence familière qu'il n'avait pas vu depuis longtemps.

Son regard se porta machinalement vers la gauche, vers le banc des Prêteurs. Il y reconnut quelques visages familiers, mais pas celui qu'il cherchait. Le siège de l'exécuteur était vide, ce qui le laissa quelque peu perplexe. Il était probable après tout que la fin de la Guerre des Nuées et la réunification des Protoss eut apporté quelques changements. Mais si le Frère qu'il cherchait ne se trouvait être ni Exécuteur, ni Prêteur, c'est qu'il était alors .

Levant la tête, ses yeux vinrent se poser sur la chaire du Judicateur. Artanis s'y trouvait, comme il l'avait craint. Le passé semblait se répéter, à croire que la race Protoss se trouvait être définitivement enracinée dans son passé. Son ancien ami semblait néanmoins légèrement gêné de se retrouver dans une telle position, et pour cause : Artanis connaissait bien sa haine ancestrale de la caste des Judicateurs. Apercevant quelques anciens Khalaïs profondément conservateurs dans les rangs du Conclave, il choisit de prendre le premier la parole et de défier ses vis-à-vis.

« - En Taro Adun ! »

Il sentit un vent de murmures se lever parmi les rangs du Conclave en réponse à sa salutation visant à rappeler les méfaits ancestraux des Judicateurs. Au bout de quelques minutes, tous finirent par se tourner vers Artanis, qui de plus en plus gêné, hésita pendant de longs instants avant de répondre le plus diplomatiquement possible.

« - En Taro Tassadar . Zeratul . »

Les deux amis se regardèrent longtemps dans les yeux, chacun ayant ses propres raisons de se sentir coupable, mais chacun étant trop fier pour le reconnaître face à l'autre. Ce fut finalement Artanis qui choisit de rompre le silence.

« - Le Conclave salue votre retour et vous souhaite la bienvenue sur Shakuras Zeratul. »

- Bien que le Conclave ait reconnu ses crimes passés, je vois que la plus pure tradition Khalaï continue de hanter ces lieux.»

Des protestations véhémentes s'élevèrent des éléments les plus conservateurs du Conclave, noyant la salle sous un déluge sonore qui dura plusieurs minutes. Le Judicateur Artanis cilla sous la déclaration, ses yeux flamboyant sous l'effet d'un mélange de colère et de gêne. Il se reprit finalement, et éleva la voix pour rétablir le silence.

« - Même pour celui qui s'est toujours opposé de la façon la plus virulente aux Khalaïs, voilà de biens durs propos, Templier Noir.

- Et vous me le reprochez Artanis ? Après la séparation de notre peuple ? Après le bannissement de Tassadar ? Après toutes les exactions du Conclave ? »

Propagées par l'architecture de la salle, les voix se répercutaient puissamment sur les murs, comme le sermon d'un prêtre dans une antique cathédrale gothique. L'un des Templiers issu de l'ancestrale lignée de Khas se leva soudainement et déclama vindicativement :

« - Et vous ? N'éprouvez-vous donc aucune culpabilité après le meurtre de votre Matriarche ? »

Zeratul serra les dents sous l'affront alors que l'assemblée entière se déchaînait, laissant voir clairement l'opposition qui marquait encore les rangs du Conclave entre les conservateurs Khalaïs et les bannis de Shakuras. Le Templier Noir aurait pour une fois voulu être doté de canaux lacrymaux et pouvoir pleurer comme les humains tellement la douleur infligée à son esprit était forte. Mais il était Protoss, il était un exilé, il était un Templier Noir. Il était fier et ne montrait nulle faiblesse devant personne. Le Judicateur le coupa néanmoins alors qu'il s'apprêtait à lancer une réplique cinglante.

« - Silence ! Comment le Conclave Protoss peut-il s'abaisser à se déchirer comme le font si souvent les humains ? »

La phrase jeta comme un froid dans les rangs des participants qui se calmèrent aussitôt. La race Protoss avait toujours été un tantinet hautaine et arrogante, et ne pouvait généralement souffrir d'être comparé aux veules humains.

« - Zeratul mon ami, ne vous laissez pas vous enraciner dans le passé et tournez-vous vers l'avenir. Nul ne peut prétendre à la perfection, et nous faisons tous des erreurs, aussi lourdes puissent-elles être. Et maintenant, comme je vois quelles réactions suscitent votre retour dans le Conclave, je préférerais m'entretenir avec vous en privé. La séance est levée ! »

Les Prêteurs quittèrent la salle avec des marmonnements de mécontentement, se dévisageant entre eux avec une certaine méfiance et laissant le Judicateur et le Templier Noir face à face. Artanis fit signe à son ami de le suivre, et ils empruntèrent une autre sortie pour se retrouver dans une allée circulant le long d'un jardin soigneusement entretenu. Ils se mirent à déambuler au milieu des massifs de fleurs dont la croissance avait été guidée par la psyché de ses jardiniers. Des sculptures enchâssées de petits cristaux Kaydharin jetaient un éclat irréel sur la scène, évoquant tout ce qui avait été perdu pendant la chute d'Aiur.

« - Vous ne me facilitez pas la tâche mon ami.

- Pourquoi le devrai-je ? Vous faites partie maintenant de ceux que je déteste le plus.

- C'est un mal nécessaire Zeratul, une première étape pour la réunion de notre peuple.

- Pourquoi m'avez-vous fait revenir Artanis ? »

Le Judicateur lui fit signe de se taire et de le suivre. Traversant le jardin, ils débouchèrent bientôt sur une vaste aire dégagée qui servait visiblement d'astroport. Le vaisseau qui s'y tenait, aussi immense soit-il, n'était visiblement pas Protoss. C'était un transporteur marchand humain passablement abîmé. Ses flancs déchiquetés laissaient entrevoir ses conduits internes, ses réacteurs étaient presque sortis entièrement de leur châssis, et il avait visiblement été posé ici grâce à des navettes Protoss qui l'avaient tracté jusqu'ici. Il était clair, même pour un Templier Noir qui
n'était pas expert en bâtiments humains, que cet astronef ne pourrait plus jamais regagner l'espace par ses propres moyens.

Artanis l'entraînait toujours plus en avant vers le navire.

« - Qu'est ce qu'un astronef Terran fait ici ?

- Ca, je crois que nous l'avons découvert. Ce qui serait plus intéressant de savoir, c'est le but qu'il poursuivait. Suivez-moi, vous aurez bientôt vos réponses. »

Arrivés au pied de la carcasse métallique, les deux Protoss s'engagèrent dans l'une des coursives du géant d'acier. L'intérieur était dans le même état que la coque : des cloisons gisaient éclatées sur le sol, des câbles électriques pendaient des plafonds, des conduites de gaz fuyaient tandis qu'ils avançaient sur un sol parfois baigné d'huile mécanique.

« - Charmant endroit. »

Ils arrivèrent bientôt à un sas interne dont les portes vitrées montraient des fêlures inquiétantes. Un panneau d'alerte était suspendu au-dessus de la porte de façon pathétique, ne tenant plus qu'à une seule attache.

Les baies vitrées internes laissaient clairement voir des murs blancs et dénués de toute décoration qui identifiaient clairement la salle comme un laboratoire. Des tables de travail étaient jonchées d'instruments endommagés par le crash forcé du vaisseau. Les portes du sas coulissèrent avec un chuintement, laissant sortir des vapeurs chimiques irritantes. En entrant dans la pièce, Zeratul sentit immédiatement sur son lien psionique un sentiment dérangeant et pourtant familier. Sans arriver à mettre le doigt sur l'origine de cette sensation diffuse, il continua d'avancer lentement, s'imprégnant de cette atmosphère doucereuse. Il sentit bientôt monter en lui un haut-le-cour, une nausée qui le saisissait à la gorge. Se retournant, il aperçut Artanis derrière lui, qui semblait moins dérangé, mais ce n'était pas la première fois que le Judicateur pénétrait dans cet endroit.

« - Ce n'est pas humain.

- Non en effet, et c'est bien ce qui nous a inquiété au point de quérir votre retour. »

L'exhalaison psychique semblait provenir de derrière une cloison. C'était vivant, et apparemment, ça n'allait pas lui plaire. Pressé d'en finir, il s'élança d'un pas déterminé, prenant sur lui pour lutter contre des effluves de plus en plus méphitiques. Même un Terran dénué de tout talent psychique en aurait capté une fraction.

Ses suppositions étaient bien fondées.

« - Qu'est ce que ce . cette chose fait ici ? Et pourquoi l'avez-vous laissé vivante ?

- Nous ne l'avons pas tué pour vous permettre de bien comprendre ce qui se passe. Quand à la raison de sa présence, et bien, on dirait que les Terrans sont pris par la même sinistre inspiration que le Directoire que vous avez rencontré. Le Serpent de la tentation a toujours parlé avec force aux oreilles des humains. »

Zeratul prit un instant pour méditer sur ces paroles. Ce qu'il avait rencontré peu après qu'il ait tué . non, libéré la Matriarche, représentait quelque chose d'irréel, de lointain, de trop inconnu pour qu'il accepte la responsabilité de le combattre. Il pouvait calmer sa conscience en considérant ces créatures comme un simple cauchemar. Mais ceci était un danger réel, connu, qu'il avait déjà affronté dans le passé.

Même si Artanis n'était pas au courant de son étrange rencontre avec Samir Duran, il était trop intelligent pour ignorer que quelque chose d'horrible s'était passé, un malaise trop profond pour en parler. Et Zeratul réalisa amèrement que lui montrer ce Cerebrate caché dans un vaisseau humain ne pourrait que le faire réagir, le faire revenir définitivement d'exil.

« - Il est jeune non ?

- Quelques semaines oui.

- Vous pensez réellement que les humains peuvent croire arriver à manipuler ces choses dans notre contexte actuel ?

- Ils ont bien réussi avec l'Overmind, pourquoi pas avec l'un de ses servants ?

- Mais, et Kerrigan ?

- Vous savez Zeratul, avec des brouilleurs psys, un tel projet n'aurait rien d'impossible. »

C'était grave. L'idée même qu'Arcturus Mengsk puisse diposer de Nuées Zergs à son service signifierait obligatoirement le retour des hostilités. Les hostilités qui pourraient bien probablement affecter les Protoss, qui n'avaient désormais plus qu'un seul atout dans leur manche : l'artefact Xel'Naga. Ils étaient trop faibles pour endurer une nouvelle guerre, et des Terrans belliqueux pourraient sans grandes difficultés détruire l'artefact à l'aide de têtes nucléaires avant de lâcher des hordes de Zergs sur Shakuras.

« - D'où venait le vaisseau ?

- L'ordinateur de bord est trop endommagé pour que nous puissions connaître son point de départ. En revanche, nous connaissons sa destination. Il s'agit d'une planète située à la périphérie de l'Empire Terran, une planète isolée et discrète du nom d'Ende.

- Bien, je suppose que vous voudriez que je m'y rende, non ?

- Vous êtes le plus puissant de tous les Templiers Noirs, vous avez le plus d'expérience pour ce genre de . missions. Il faut enquêter sur cette affaire, en apprendre plus. Et puis, je pense que ce serait une bonne façon de combattre les démons intérieurs qui vous rongent. »

Zeratul sut avant même de formuler sa réponse qu'il allait accepter. Même s'il n'aimait pas ce qu'était devenu son ami, même s'il avait ses propres tourments, le devoir était ce qui avait toujours le plus compté dans sa vie. Et quel plus noble devoir que de protéger son peuple. Baissant les yeux vers la créature gélatineuse qui émettait ces immondes relents de psyché, il activa sa lame psionique, et galvanisé par le côté obscur de la Psy, mit prestement fin à la vie du Cerebrate Zerg.

« - Bien, j'irai à la rencontre des terres d'Ende. »
« Vanité des vanités, disait l'Ecclésiaste.
Vanité des vanités, tout est vanité !

Quel profit l'homme retire-t-il
de toute la peine qu'il se donne sous le soleil ?

Une génération s'en va, une génération arrive,
et la terre subsiste toujours.

Le soleil se lève, le soleil se couche ;
il se hâte de retourner à sa place,
et de nouveau il se lèvera. »

Livre de l'Ecclésiaste, Chapitre 1, Versets 2 à 5


Le sang aspergea méchamment le pare-brise, brouillant toute visibilité au pilote. Celui-ci activa nerveusement l'essuie-glace : tout instant d'aveuglement pouvait se révéler mortel sur ce champ de bataille. Resserrant sa prise sur les poignées de guidage, il fit avancer son véhicule de quelques mètres avant de déclencher le tir des mitrailleuses. La pluie et les brumes du matin rendaient les conditions de combat franchement difficiles et cachaient l'ennemi à sa vue. La radio se mit à crachoter.

« - C'était Ruggens lieutenant, un zergling l'a coupé en deux. »

Le Goliath avança encore de deux pas, ses longues jambes mécanisées s'enfonçant profondément dans la boue. Les marines déployés à ses côtés scrutaient avec nervosité le terrain par-dessus les rebords de la tranchée, s'attendant à chaque instant à voir apparaître une créature assoiffée de sang. Confortablement installé dans l'armure de combat de cinq mètres de haut, le lieutenant Dahalag du 7ème Corps Expéditionnaire Terran planifiait le prochain mouvement de son escouade tout en gardant un oeil sur le terrain. Ils s'étaient trompés de route et se trouvaient quelques treize kilomètres trop à l'est de leur position prévue, stationnant actuellement dans une partie abandonnée du réseau de tranchées établi par le Génie il y avait environ trois semaines.

« - Lieutenant, on va où maintenant ? »

Son ordinateur tactique lui montrait le chemin à suivre parmi les multiples sentiers creusés par deux mois de combat. Le choix le plus évident consistait à emprunter la 19ème Tranchée pour couper directement jusqu'à la ligne de front. Seulement, cela ferait arriver son escouade par derrière les Zergs, et essayer de prendre à revers une marée de monstres déchaînés avec à peine une vingtaine d'hommes passablement exténués n'était peut-être pas une très bonne idée. L'autre solution serait de gagner le 23ème Blockhaus, déserté depuis trois jours, à quatre kilomètres de là puis d'espérer que le tunnel qui menait jusqu'à la base n'aurait pas été découvert par l'ennemi. Ce serait hasardeux, et ils risquaient fort de tomber au moins sur un petit détachement de Zergs, mais c'était peut-être préférable à la première idée.

« - Lieutenant ? »

Absorbé dans ses pensées, Jess Dahalag ne vit pas la demi-douzaine d'Hydralisks émerger du brouillard et lâcher leurs aiguilles effilées sur son groupe. Les hurlements de ses hommes accompagnèrent le bruit des projectiles aiguisés comme des rasoirs qui vinrent s'écraser sur la verrière du Goliath, menaçant dangereusement de briser la glace pare-balles. Jess releva la tête et saisit les commandes de tir alors que l'acide contenu dans les aiguilles commençait à faire fumer son véhicule tout entier.

Il n'eut pas le temps d'ouvrir le feu que la jambe gauche de l'exosquelette lâcha soudainement, probablement sous l'effet des tirs des Zergs. Un goût de sang lui envahit le palais alors que son crâne heurtait violemment la vitre.

« - Raah merde ... »

Les sirènes d'avaries couvrirent instantanément le bruit des coups de feux, vrillant les tympans du jeune lieutenant. Sa vision commençant à tourner au rouge, il se tâta le visage, de peur que les yeux ne soient atteints. Heureusement, ce n'était que l'arcade sourcilière droite qui avait éclaté à cause du choc avec le pare-brise. Tenu conscient par le cri strident de l'alarme, il contempla son tableau de bord en miettes. L'écran de diagnostic lui fit comprendre que son Goliath était hors de combat. Débouclant son harnais, il ramassa le fusil d'assaut de secours embarqué à bord du véhicule et entreprit de s'extraire de la cabine de pilotage.

« - Bordel lieutenant, vous êtes vivant ? »

Il voulut répondre pour rassurer ses hommes, mais sa radio était visiblement bousillée. A l'extérieur, il semblait que les coups de feu commençaient à diminuer pour laisser place aux hurlements d'un de ses hommes. Ses doigts finirent par se refermer sur la poignée de l'écoutille de l'armure de combat. La lourde trappe métallique se souleva pour laisser entrer l'air libre dans l'atmosphère viciée du compartiment de pilotage.

« - C'est bon Jefferson, chuis là ... »

Sa voix lui sembla éraillée à ses oreilles, son élocution rendue difficile par une mâchoire endolorie. Essuyant le sang qui lui coulait dans les yeux, il s'offrit un rapide panorama des alentours. Les Zergs gisaient proprement en plusieurs morceaux à quelques dizaines de mètres de là, le brouillard commençait à se dissiper mais rendait encore la visibilité désastreuse. Le beuglement de souffrance le ramena à la réalité alors qu'il se sentait comme une envie de tomber dans les pommes.

« - Sergent ?

- Le sergent est mort mon lieutenant.

- Caporal ?

- Oui mon lieutenant ?

- Faites quelque chose pour cet homme.

- Tout de suite mon lieutenant ! »

Dahalag finit de descendre de la carcasse du Goliath pour rejoindre son escouade. La douleur lui vrillant encore les tempes, il ne vit pas le Caporal Patterson du 7ème Corps Expéditionnaire Terran armer son Fusil Gauss et approcher de l'homme blessé. Le coup de feu résonna à travers toute la plaine tel un coup de tonnerre. Erik Patterson vit son supérieur se retourner vers lui avec une expression d'horreur. Le caporal haussa les épaules et répondit à la question muette :

« - L'aiguille lui avait touché la carotide mon lieutenant !

- Ah ... Je vois ... »

Jess Dahalag, à l'armure bien plus légère que ses hommes, sans parler de son arme, se retourna, prêt à gravir la tranchée pour rejoindre le Blockhaus au plus vite. En dehors du Goliath, il était peut-être bien plus vulnérable, mais il n'en était pas pour autant moins résolu à mener ses hommes comme tout bon officier se doit de le faire. Son escouade se remit en route derrière lui, dans la large tranchée creusée pour faire circuler les véhicules les plus lourds des armées Terran.

Quelques centaines de mètres plus loin, Jess Dahalag repéra l'intersection permettant de rejoindre la 19ème Tranchée, et de là, le fameux Blockhaus. Alors qu'il consultait sa carte pour vérifier qu'il avait bien suivi le bon chemin, une impression diffuse se fit entendre en lui. Une impression indéfinissable, un petit signal d'alarme mental, comme lorsqu'on se sent sur le chemin inexorable du Destin. Avisant le sol devant lui, il s'aperçut qu'un petit caillou était pris de tremblements. Affinant son ouïe, il entendit comme un léger grondement au lointain. Fort de quelques années d'expérience, il reconnut dans ce bruit le son d'une mort certaine et galopante.

« - Merde ! »

Se redressant de toute sa hauteur, il entreprit de regarder par-dessus la tranchée. Peine perdue, le brouillard et la pluie se liguaient contre lui pour l'empêcher de distinguer le moindre mouvement à plus de 15 mètres.

« - Caporal !

- Oui mon lieutenant !

- Prenez la radio, contactez-moi tout de suite le QG et dites-leur qu'on est dans la merde !

- La radio est morte mon lieutenant ! Jefferson s'en est servi pour se protéger des tirs des Hydralisks ! »

Le grondement se faisait de plus en plus assourdissant à chaque seconde qui passait, renforçant l'impression de mort imminente qui s'était abattue sur les marines. Il était inutile de courir, la menace les rattraperait bien vite, et la fuite les rendrait plus vulnérables. Il n'y avait plus comme solution que se battre et mourir.

« - Tous en position aux tranchées, armes enclenchées. Attendez mon signal pour tirer ! »

Les trois quarts des marines étaient des resocialisés. Ils obéirent sans rechigner dans un parfait ensemble, faisant mourir les hésitations du quart restant. Le lieutenant était à leurs côtés, observant la brume qui masquait obstinément ses ennemis à sa vue. Il resserra sa prise sur son arme et essuya nerveusement la pluie qui lui tombait sur le front. En tant que soldat, il savait qu'il risquait sa vie sur les champs de bataille, et il avait déjà pensé à plusieurs reprises à la possibilité de mourir dans de tels endroits, à rejoindre les rangs innombrables des victimes anonymes de l'effort de guerre impérial. Mais il ne devait pas penser à cela en ce moment, ça ne ferait que diminuer ses chances déjà faibles.

L'avant-garde de la horde Zerg qui fonçait sur ses hommes sortit enfin des brumes, révélant à tous la menace. Il s'agissait surtout de zerglings, les plus rapides des créatures de la Nuée étaient généralement les premières à arriver au contact.

« - Feu à volonté ! »

Les Fusils Empaleur ouvrirent le feu avec un synchronisme quasi-parfait. Leurs crépitements dominèrent le bruit de la pluie et celui des douilles éjectées. Les premiers projectiles atteignirent les créatures génétiquement conçues pour tuer et percèrent leurs carapaces, infligeant de graves lésions corporelles. Les Zergs en deuxième ligne ne prirent même pas la peine de ralentir et sautèrent par-dessus les cadavres de leurs camarades. La marée Zerg ne pouvait être arrêtée avec les faibles moyens de l'escouade de Dahalag.

Alors que le lieutenant des marines était concentré sur la visée de son fusil d'assaut, un bruit perçant vint déchirer le ciel au-dessus de lui. Le bruit s'amplifia alors que quelque chose passait à une vingtaine de mètres au-dessus de sa tête, puis diminua d'intensité en le dépassant.

Deux secondes après, les rangs zergs explosaient, projetant des monceaux de corps aux alentours, qui vinrent retomber dans la tranchée...

« - Bombardement ! »

Un zergling auquel il manquait deux pattes atterrit piteusement à côté de Jess Dahalag, l'aspergeant de sang. Il se remit immédiatement sur pieds et planta une griffe vicieuse dans la jambière du lieutenant. Celui-ci hurla en réponse et pointa son arme vers la créature. Une vingtaine de balles eurent raison de l'obstination du Zerg et le transformèrent en un tas de chairs sanguinolentes.

Une violente odeur de sang et de mort monta dans la tranchée alors que d'autres Zergs commençaient à l'envahir, encerclant les marines isolés. Sur le champ de bataille, le bombardement continuait, tenant en respect une majorité de créatures assoiffées de sang. Un obus Arclite tomba dans la tranchée, non loin du lieutenant.

Ce dernier vit l'un de ses hommes exploser littéralement sous le choc, puis il tomba à la renverse à cause du souffle de l'explosion. Quelque chose de visqueux et froid tomba sur son visage en même temps qu'on lui comprimait d'un coup l'estomac. S'essuyant les yeux, il constata qu'il était complètement couvert de sang et de monceaux d'organes. La tête d'un de ses hommes reposait sur son ventre, le regardant avec des yeux morts.

Autour de lui, les obus continuaient à pleuvoir pendant que ses hommes luttaient férocement pour leurs vies, entourés de démons griffus. L'explosion avait été trop proche, et ses tympans ne pouvaient plus fonctionner pour l'instant. La bataille lui parvenait avec des bruits étouffés, comme si elle s'était passée sous l'eau.

Dans le ciel, des lueurs semblaient déchirer les nuages avec un rugissement sonore qui ne lui parvenait que comme un grondement sourd et à peine audible. Devant lui, un Hydralisk sauta dans la tranchée et progressa vers lui avec un rictus affamé, la bave dégoulinant de sa gueule. Jess Dahalag essaya de saisir son arme secondaire, un petit pistolet automatique, mais un morceau de cadavre l'empêchait d'accéder à sa poche de jambière. Il s'agita frénétiquement dans le but de dégager le corps, mais la boue dans laquelle il gisait rendait les surfaces glissantes, et les litres de sang dont il était aspergé ne rendaient pas les choses plus faciles.

Le Zerg était désormais tout proche, et son haleine venait caresser l'épiderme du soldat.

Le lieutenant Dahalag hurla sous l'effet de la terreur ...

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« - Aaaaaaaah ! »

Recouvert d'une substance poisseuse, Jess Dahalag criait à s'en arracher les cordes vocales ...

L'endroit où il se trouvait était plongé dans une semi-pénombre, bien différent de là où il se trouvait quelques secondes auparavant. Il ne pleuvait pas, son épiderme était baigné de sueur et nul Zerg ne s'apprêtait à le dévorer.

Les dernières brumes du cauchemar s'effacèrent ...

Il était quatre heures du matin dans la base militaire des services de renseignements d'Augustgrad et la respiration haletante du capitaine Dahalag était le seul bruit audible au milieu de la nuit. Celui-ci finit par se lever et alla se rafraîchir dans la salle de bains privée mise à disposition des officiers. Lorsqu'il revint finalement dans sa chambre, ce fut pour constater qu'il était incapable de se rendormir. Cela faisait sept ans qu'il croyait avoir tourné la page, mais une nuit sur trois le trouvait en proie au même cauchemar rémanent. Pas un cauchemar se corrigea-t-il intérieurement, un triste souvenir ...

La sonnerie de son bloc de communication le tira de ses pensées moroses.

« - Capitaine Dahalag, j'écoute.

- Bonjour Jess. Ici Arthur Kingsley. »

Jess Dahalag ne put réprimer un sourire au son de la voix familière qui l'avait guidé dans les arcanes des Renseignements Impériaux depuis cinq ans.

« - Bonjour Amiral.

- Désolé de vous l'annoncer aussi abruptement Jess, mais l'Empire a à nouveau besoin de vous. »

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« - Bonjour Capitaine. Je suis le Lieutenant Pierre Képhas, votre aide de camp pour cette mission. »

Jess Dahalag rendit son salut au jeune officier qui venait de l'aborder. Il avait quitté Augustgrad en vitesse il y avait deux jours à bord de la Frégate Gerfaut, un vaisseau militaire dédié entièrement aux opérations des Renseignements Impériaux. L'Amiral Kingsley lui avait présenté la mission puis l'avait laissé embarquer. Il avait sous ses ordres douze agents aux spécialités diverses, dont la moitié avait déjà pris place sur la planète-cible avant même qu'il embarque sur le Gerfaut.

Trop occupé à compulser les données sur la mission, il n'avait pas encore rencontré ses hommes, mais savait déjà à qui s'attendre. Il regrettait de ne pas avoir de Fantômes dans son équipe, mais ils étaient trop rares et trop précieux pour que l'Empire les lui confie. Et après tout, ces agents très spéciaux préféraient oeuvrer en solitaire, et ne dépendaient pas des Renseignements Militaires de l'Empire.

Le Lieutenant Képhas était un homme jeune qu'on aurait dit sorti tout droit d'un manuel de l'Académie. Ses résultats excellents, sa détermination et les commentaires de ses instructeurs étaient visibles sur son visage, mais le Capitaine Dahalag savait que dans son métier, rien ne remplaçait le terrain. Mais d'expérience, il savait bien que l'équipe idéale n'existe pas.

« - Repos Lieutenant. Menez-moi à mes hommes, nous embarquons dans vingt minutes.

- Bien mon Capitaine. »

Comme c'était souvent le cas, la mission avait été montée dans une situation d'urgence. Quelqu'un dans les hautes sphères avait dû tomber sur un ensemble de rapports abscons et n'avait rien trouvé de mieux à faire que les mettre en relation. Le boulot des Renseignements tenait beaucoup à la chance, et elle avait donné encore de bons résultats. Suffisamment en tout cas pour que le Haut Commandement exige qu'une mission soit montée en si peu de temps.

Elle portait sur une société obscure qui opérait dans l'armement. Dans la recherche en armement pour être précis. Comme tout ce qui avait trait à ce domaine était une Affaire d'Etat avec un grand A, beaucoup d'argent était investi de manière à s'assurer que le secret défense était bien maintenu. Or, quand un haut fonctionnaire travaillant dans un bureau obscur avait mis en évidence quelques manoeuvres de falsifications sur des rapports d'investissement de cette fameuse société, la Vidina Corp, toute une commission d'enquête avait été créée pour voir de quoi il s'agissait.

L'enquête révélait alors que des quantités de matériel assez importantes étaient détournées en direction d'une planète située dans le trou du c** galactique, et un rapport de 300 pages venait attester que ce matériel pouvait fort bien être assemblé de manière à produire au choix entre d'infinies possibilités, un virus foudroyant, une saloperie chimique de tuerie massive ou bien encore un puissant engrais fertilisant. Et comme cela laissait deux possibilités déplaisantes sur trois, un bureaucrate proche de l'Empereur avait fait remarquer qu'il était étrange que la Vidina, qui travaillait d'ordinaire avec les services militaires, avait fait un bien curieux choix en décidant de s'extrader au fond du secteur Koprulu pour ses nouvelles expériences.

Bien entendu, le rapport avait aussi atterri sur le bureau de l'Amirauté, et étant donné le haut degré de paranoïa nécessaire pour atteindre les rangs des Officiers Généraux, il avait été émis l'hypothèse que ces recherches dont la Vidina ne voulait pas faire profiter l'Empire, pourrait fort bien profiter aux Kel-Morian ou pire, aux Umojans.

Du coup, Votre Serviteur était envoyé avec douze gus pour enquêter là-dessus, et au besoin, stabiliser la situation (comprenez par là, qu'il n'était nullement envisageable que la situation ne soit pas instable).

Nul doute que le centre de recherche de la Vidina sera beaucoup plus stable après l'activation de cinq mégatonnes d'explosif nucléaire ...

Le capitaine Dahalag arriva finalement devant les cinq personnes, en dehors du Lieutenant Képhas, qui constituaient pour l'instant son équipe. Les six autres étaient déjà sur la planète pour commencer l'infiltration. Le Gerfaut devait rester pendant toute la durée de la mission caché derrière l'un des corps stellaires du système, pendant que des navettes furtives, munies des même champs de camouflage que les Ombres, déposeraient l'équipe d'infiltration en deux temps.

Dans un premier temps, six agents s'étaient posés à 200 km au sud des installations de recherche, dans une zone non-couverte par les capteurs astros de la Vidina. Il avaient ensuite progressé de nuit vers le centre de recherche pour dégager une zone d'atterrissage pour la deuxième équipe, chargée de convoyer les cinq mégatonnes d'uranium enrichi. Ces cinq mégatonnes se concentraient en une seule grosse boîte, mais il fallait quand même l'assistance d'un robot de manoeuvre pour les déplacer.

Le signal convenu de réussite de la première équipe avait été reçu il y avait deux heures.

Donc avec seulement dix-sept heures de retard sur le planning. Un score honorable vu que tout foirait toujours dans une opération de ce type. Jess Dahalag avait encore le souvenir d'une mission où la bombe avait refusé d'exploser. Il préférait encore ça à une explosion prématurée...

Pierre Képhas lui passa la liste du personnel de l'équipe.

« - Bonjour mesdames et messieurs. Désolé de ne pas vous avoir rencontré plus tôt, mais nous étions tous fortement occupés. Je suis le capitaine Jess Dahalag, et nous allons vivre ensemble pendant les 24 heures à venir. On n'aura malheureusement pas le temps de faire connaissance, alors faisons tout de suite les présentations. Vous connaissez déjà le lieutenant Képhas, maintenant, j'aimerai savoir qui est notre expert en explosifs.

- Présent capitaine ! »

L'homme qui venait de parler n'était visiblement pas fait pour un champ de bataille. Plutôt mince pour un soldat, un visage découpé à la serpe, et des yeux fuyants qui semblaient vouloir quitter leurs orbites. Jess Dahalag baissa les yeux sur la fiche qui lui avait donné Képhas et réfléchit quelques secondes.

« - Lieutenant Philip Galil. Tiens donc, comment se fait-il que l'on m'accorde deux lieutenants dans mon équipe ?

- Je ... je suis docteur en physique, spécialité nucléaire mon capitaine.

- Ah. Combien de fois avez-vous déjà tenu une arme en mains monsieur Galil ?

- Euh ... trois fois mon capitaine.

- Et parmi ces trois missions, combien étaient des simulations d'entraînement docteur ?

- Euh ... trois mon capitaine.

- Bien. Lieutenant Galil, vous êtes le seul à savoir faire fonctionner cette foutue bombe nucléaire. Votre rôle n'est pas de combattre, car vous ne savez pas le faire. Je veux donc que vous restez derrière nous en cas d'affrontements, et que vous surveillez vos arrières. Et par précaution, gardez le cran de sûreté sur votre arme. C'est clair lieutenant ?

- Très clair mon capitaine. »

Jess Dahalag remarqua que l'un de ses hommes, une barrique de près de deux mètres tout en muscles, observait l'expert en explosifs d'un sourire goguenard. Le Capitaine lui fit rentrer son sourire dans la gorge avec un regard noir bien appuyé.

« - Caporal Jude Iscarine ?

- Ici mon capitaine ! »

La femme qui lui faisait face était plutôt séduisante, mais elle ne faisait rien de spécial pour le faire ressortir. Cheveux coupés en brosse, combinaison ample, une pose pas particulièrement aguichante. Seuls ses yeux verts ressortissaient de son allure. Enfin, Jess Dahalag n'était pas spécialement là pour regarder de près ses coéquipières après tout.

« - Vous êtes notre expert en ... ?

- Electronique et informatique monsieur. C'est moi qui vous ferais entrer dans ce complexe, après que j'en aurai cracké tous les codes évidemment.

- Vraiment ? »

Le ton de sa question n'attendait pas particulièrement de réponse, c'était juste une question de pure forme. Une fille fana d'informatique, il ne lui manquait plus que ça avec un second inexpérimenté et un bleu comme expert en explosifs pour pimenter la mission.

« - Seconde Classe ... euh ... Thad !

- C'est moi m'sieur. »

La réponse venait du colosse qui s'était moqué presque ouvertement du Lieutenant Galil. Tout compte fait, à la liste des personnes précédentes, il manquait en fait le baroudeur irrespectueux et tête brûlée qui crachait son mépris sur les officiers. Une forte tête à mater.

« - Dites-moi Soldat Thad, pourriez-vous m'expliquer pourquoi la liste d'équipe que j'ai ici en main ne vous attribue pas un nom et un prénom comme tous vos coéquipiers ?

- Parce que jm'appelle comme ça m'sieur.

- Vous vous appelez Thad.

- Ui m'sieur. Chuis expert.

- Ah vraiment ? Et quelle est la spécialité d'un deuxième classe comme vous, dites-moi ? »

Le regard auparavant arrogant du dénommé Thad brûla d'un éclat de haine en réponse au sarcasme du capitaine.

- Dézinguer les gens m'sieur.

- Expert en armes lourdes c'est ça hein ? Je vous ai à l'oeil ... Thad. »

Jess Dahalag continua sa revue des troupes : il ne restait plus que deux hommes. Des soldats-types aurait-on pu dire : coupe réglementaire, uniforme impeccable, armes lustrées. Ils se ressemblaient comme deux gouttes d'eau, à part que l'un rendait dix bons centimètres à l'autre. Sous le regard de leur Capitaine, ils se mirent simultanément au garde-à-vous.

« - Premières classes Jack et Jon Zébès mon capitaine !

- Vous êtes frères hein ?

- Oui mon capitaine ! »

Le Capitaine Dahalag ne put réprimer un franc sourire : le spectacle de ces deux hommes donnant les même réponses au même moment était tellement conformiste à l'archétype militaire.

« - Bon, et quelle est votre spécialité à vous ?

- Je crains que nous n'en ayons pas monsieur, nous sommes juste là pour vous couvrir. »

Jess Dahalag acquiesça à la réponse du plus grand des deux frères, Jack s'il avait bien compris qui était qui. Ce devait être l'aîné.

« - Bon, messieurs et madame ...

- Mademoiselle mon capitaine. »

Seigneur, cette mission n'allait vraiment pas se dérouler comme sur des roulettes !

- Pardon caporal. Bon, on embarque, la navette décolle dans cinq minutes. »

Les équipes du hangar du Gerfaut se mirent en branle pendant que l'équipe d'infiltration 2 embarquait. Les alarmes de dépressurisation imminente s'activèrent, enjoignant le personnel à évacuer le hangar au plus vite. Trois minutes plus tard, alors que le hangar était vide de toute présence humaine, les systèmes d'aération s'enclenchèrent pour aspirer tout l'air du hangar dans les réserves du vaisseau, il n'était pas question de gaspiller l'atmosphère interne en la laissant partir dans le vide. Ensuite, les portes du hangar s'ouvrirent, et la navette furtive reçut l'autorisation de décoller.

Les passagers de la navette bouclèrent leurs harnais antichoc et se décontractèrent. Le vol allait durer approximativement trois heures : la durée nécessaire pour aller du Gerfaut, qui était planqué en dehors de l'enveloppe capteur des installations de la Vidina Corp et pour rejoindre la planète. La fin du voyage, la pénétration de l'atmosphère, serait particulièrement désagréable, chacun le savait.

Jess Dahalag, n'ayant nullement l'envie de discuter avec ses subalternes, se repassa mentalement les informations importantes, et notamment le planning de la mission jusqu'à ce qu'une voix particulièrement désagréable (du moins son propriétaire l'était) intervienne.

« - Dites Cap'taine ...

- Qu'est ce que tu veux Thad ?

- Comment elle s'appelle la planète où l'on va ?

- Qu'est ce que ça peut te foutre ?

- Hey m'sieur, c'était juste histoire de détendre l'atmosphère !

- Lieutenant Képhas, répondez à cet individu je vous prie. »

Le jeune lieutenant qui avait jusqu'à là brillé par son absence se réveilla et regarda l'énorme brute qui avait posé la question. A lui non plus le deuxième classe Thad ne plaisait guère, mais aussi intimidant puisse être cette brute sans cervelle, il fallait bien obéir au capitaine.

« - Nous allons sur la planète Ende soldat ... »
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